2003 … Sintèz come no coeûr bat

Pou l’100ème anivèrsére du Rwèyâl Cèrke Walon di Couyèt

Liège 1952

Liège 1952

En cet automne 2003 vont battre les cœurs des « Couy’tîs » pour leur cher cercle dramatique et philanthropique wallon fondé à Couillet, « su l’bôrd di Sambe », le 24 novembre 1903, avec pour but : « l’agrément tout en venant en aide aux malheureux » (1).

Ce jour là, Félix Baijot (1881 – 1952) est élu président du cercle. Mis à part une brève retraite volontaire de ce poste en 1925, il y restera jusqu’à son décès.

D‘une écriture calligraphiée, le secrétaire frais émoulu E. Dufort, relate au procès verbal de l’assemblée constituante que la première soirée d’hiver est fixée au 10 janvier 1904 et que la proposition de M. Baijot de jouer « Li s’crèt d’l’abbé Blublute »(2) et  « Les tracas da Colas »(3) est acceptée par tous les membres. Quatre actes pour un début, ce n’est pas si mal, avec seulement un bon mois de répétitions !!!

Le spectacle a rapporté un bénéfice de 65,40 F qui fut remis au Bureau de Bienfaisance de la commune.

Dès le 22 janvier, on fixe au 13 novembre 1904 la date du prochain spectacle.

« Dans le but de faciliter le choix des pièces, il est consenti de prendre un abonnement à « La Marmite »(4)  afin d’avoir l’énumération des pièces wallonnes du pays ».

Et dès le 23 avril 1904, il est décidé que trois soirées auront lieu la saison suivante : en novembre, en janvier et en mars.

Le ton est donné par cette troupe d’amateurs : ils feront vivre intensivement le Théâtre Wallon et ils s’ouvriront à la connaissance et à la diffusion du répertoire dramatique dialectal de toutes les provinces wallonnes.

D’une trentaine d’actes en 1908, le répertoire atteint quasiment la centaine à la veille de la première guerre mondiale.

Il a été fait appel à des dramaturges talentueux, dont les mérites de plusieurs avaient été reconnus par la prestigieuse Société Liégeoise de Littérature Wallonne (en abrégé : S.L.L.W.)(5).

D’aucuns étaient du cru (6) qui fondèrent l’Association Littéraire Wallonne de Charleroi en 1908 (puis en 1910 la Fédération Wallonne Littéraire et Dramatique du Hainaut) en s’assignant le but de «réunir les auteurs, fédérer les cercles dramatiques et tendre aux wallons des autres provinces une main fraternelle ». (7)

Ce dernier message, la jeune équipe de Félix Baijot l’avait parfaitement intégré et mis en application dès avant 1914 puisque son répertoire de l’époque, outre celles des carolorégiens, comportait des œuvres d’auteurs liégeois, verviétois, namurois et picards.

En plus de cette volonté de s’ouvrir à d’autres régions de Wallonie, apparaît très tôt celle de présenter au public un théâtre contenant d’autres ingrédients que «des champètes » et des «flaminds » (8). Le Cercle Wallon de Couillet fera une large place au théâtre d’un « novateur qui s’avançait dans les parages interdits » (9), le verviétois Henri Hurard qui sera à l’affiche notamment des 5ème et 10ème anniversaires, avec une pièce en trois actes médaillée d’argent au concours de la S.L.L.W. (10)  ; Jean Wyns, de Thiméon, complétait l’affiche du 10ème avec sa comédie en 3 actes « In mâriâtche à l’tachlète » – cela faisait six actes !… mais le bureau s’ouvrait «à 6h tout djusse » et le rideau «à 6h ½ co pu djusse ». Le tout était suivi d’un «bal di grand gala » !

Hormis deux pièces interprétées le 14 novembre 1917 (11) lors d’une fête philanthropique au profit des prisonniers de la commune, le Cercle Wallon n’en joua point d’autres à notre connaissance durant la grande tourmente de 1914 – 1918.

C’est en 1919 que les Couy’tîs remontent sur les planches pour ne plus les quitter jusqu’à ce jour, la seule période de mise en veilleuse de leurs activités couvrant les neuf premiers mois de 1944. (12)

Le Cercle a vaincu les difficultés engendrées par la crise économique des années trente, par la mobilisation de six jeunes membres en 1939, par la captivité de trois d’entre eux et enfin par la guerre de 1940 – 1945 durant laquelle il fallut se soumettre à la censure et aux injonctions de l’occupant.

Le 15 septembre 1940, en assemblée, le président Baijot déclare qu’il voudrait montrer à la population de Couillet et d’ailleurs que son vieux cercle est toujours stoïque dans les moments les plus graves et, qu’à son avis, il doit reprendre son activité. Il demande à chacun d’exposer son point de vue. A l’unanimité, l’assemblée générale statutaire du 26 juillet 1941 approuve la reprise.

Depuis lors, toujours sous la houlette de Félix Baijot, puis de son successeur Honoré Hotyat (président de 1952 à 1973) et ensuite de l’actuel président François Chermanne, l’activité du Cercle wallon et de ses talentueuses comédiennes a continué de se déployer à Couillet, sur de très nombreuses scènes de Wallonie et de Bruxelles et même… du Québec en 1980, avec «Meskène et djârdinî » du brabançon André Hancre, un spectacle de cabaret wallon et avec «De doux dingues » de Grosso et Modo, en français pour la circonstance, après plusieurs interprétations en Wallonie de son adaptation dialectale.

Tant avant qu’après cette tournée mémorable outre-Atlantique, le Cercle Wallon a fait montre d’un dynamisme extraordinaire, au rythme de 12 à 15 spectacles par saison avec ici une opérette, ailleurs une comédie, à Couillet un spectacle d’une autre comédie et d’une autre opérette, outre une captation TV, voire deux à un mois d’intervalle en mai et juin 1972.

C’est le 18 janvier 1959 à Charleroi, avec la troupe du Cercle Wallon de Couillet, dans «Zabèle », pièce en 3 actes en vers de Georges Fay, que le Théâtre Wallon fait ses premiers pas à la télévision. Et c’est avec le Cercle de Couillet,  encore, dans «Mimîye », œuvre de ce même dramaturge et compositeur carolorégien que le 22 septembre 1978 est réalisée par André Gevrey, la première captation en couleurs d’une opérette wallonne en 3 actes.

Vingt-deux captations au total par la Télévision Belge, en ce compris le tournage en décors naturels de «Bouyote », comédie de Joseph Durbuy, et de «On a tuwè l’èrmite » pièce policière de P. Marchand et F. Mathy

Depuis la fondation, que de participations à des tournois, et que de lauriers récoltés !

Rappelons pour mémoire :

  • Le concours d’art dramatique que la Fédération du Hainaut a organisé en 1911, où le cercle wallon de Couillet remporta un 2ème prix en partage avec «les Sins Façons» de Gilly.
  • Les tournois préconisés par la Commission Provinciale des Loisirs de l’Ouvrier (devenue l’Institut Provincial de l’Education et des Loisirs, en abrégé I.P.E.L.) au 3ème Congrès de Littérature et d’Art Dramatique Wallons, tenu à Charleroi les 15 et 16 mai 1921, le premier tournoi s’étant ouvert le 15 janvier 1920 dans la salle des fêtes de l’Université du Travail.
  • Le grand concours littéraire et dramatique organisé par la société «Le Perron Liégeois » qui réunit à Liège, en 1922 encore, 24 sociétés venues de toutes les provinces wallonnes. Le Cercle de Couillet y remporte cette fois un premier prix le 10 septembre 1922 sur la scène du Théâtre Royal avec «Mam’zèle », pièce imposée de Théophile Bovy.
  • Le Grand Prix du Hainaut Paul Pastur dont le cercle est le premier et seul détenteur avec «L’âme di no race », pièce en un acte d’Augustin Rousseau d’Hanzinne, interprétée à Mons en 1951, et reprise lors de la finale du 56ème Grand Prix du Roi Albert le 6 juin 1993 : il reçoit ici le prix de la perfection technique.
  • Le Grand Prix du Roi Albert dont le Cercle de Couillet fut le premier vainqueur le 10 avril 1932 sur la scène du Théâtre Royal de Liège avec «Tintin », pièce en 3 actes d’Henri Van Cutsem (sr) qu’il aura l’insigne honneur d’interpréter le 5 juin 1932 au Théâtre du Château Royal de Laeken devant leurs Majestés le Roi Albert et la Reine Elisabeth.
  •  Ce même Grand Prix du Roi avec une deuxième victoire le 20 avril 1952 à Herstal et une troisième le 15 mai 1976 à Namur : la coupe revenait à Couillet pour l’interprétation de «Martine », un acte du Athois Alphonse Deneubourg, et de «Les Soris », un acte de Georges Simonis dans la version carolorégienne de George Fay.

C’est avec un répertoire qui, au fil des ans, a atteint près de 250 pièces de tous genres, y compris l’opérette, qu’un public toujours enthousiaste et fidèle se régale. (13) (14)

N’oublions d’ailleurs pas que c’est grâce notamment à ce public que le Cercle Wallon de Couillet a pu et peut encore «venir en aide aux malheureux » : colis aux prisonniers de guerre (pendant les grandes tourmentes), secours fournis dans la discrétion aux cas signalés par ses membres, aide régulière à des œuvres méritoires, telles les «restos du cœur », aides ponctuelles – par exemple aux sinistrés des inondations de Gerpinnes en août 1987 -, spectacles offerts pendant de nombreuses années aux pensionnaires du sanatorium de Marcinelle Bruyère… etc.

Tel est le bilan d’un siècle d’existence d’un cercle de théâtre amateur qui est toujours d’une activité débordante et qui jusqu’ores n’a connu que trois présidents !

Trois présidents qui ont formé des générations de comédiens et de metteurs en scène…trois présidents choisis, non seulement pour leur compétence dans l’art du théâtre, mais aussi pour leurs qualités de gestionnaires et leur aptitude à gérer l’une au l’autre crise coutumière  au sein de nos cercles composés de gens de caractère…wallons de surcroît !

Que dire aussi de l’expérience dont ils ont bénéficié de la part de leurs collaborateurs disparus et de celle du doyen du Cercle, toujours actif et conseiller précieux depuis son entrée en 1942 : notre camarade Maurice Lardinois.

Ne sont – ce pas là des éléments qui expliquent la longévité de ce bon vieux Cercle Wallon ?

Un autre n’est – il pas le respect témoigné depuis toujours au public par une présentation soignée des spectacles auxquels il assiste avec fidélité ?

Que de motifs d’être fiers d’appartenir à une compagnie qui, dans le passé, n’a cessé, et, dans l’avenir, avec notre jeunesse, ne cessera de contribuer à la promotion d’un théâtre wallon de qualité.

 A.     DUPONT 
vice-président

Notes explicatives :

  1. P.V. de l’assemblée constituante()
  2. Comédie en 3 actes du ferronnier farciennois Joseph Modave, créée le 25 octobre 1898 à Charleroi par le Cercle Wallon où se révèle «le souci de quitter le tableau populaire » (Emile Lempereur, les Lettre dialectales en Hainaut, p 33) ()
  3. Vaudeville en 1 acte avec chants d’Arthur Boccart, musique de S. Wilputte, créé le 25 décembre 1891 par le cercle précité à l’Eden de Charleroi.()
  4. La Marmite : gazette hebdomadaire wallonne, fondée à Namur en 1883 par Léopold Godenne, devenue en 1893 l’organe du cercle littéraire et dramatique wallon Nameûr po tot, fondé à Bruxelles par des namurois établis dans la capitale. Cessa de paraître en 1905. (F. Rousseau in C.W.) ()
  5. Sigle signifiant actuellement Société de Langue et de Littérature Wallonnes()
  6. Citons Arille Carlier et Jean Wyns laurés par la SLLW, Auguste Rainchon, Jean Lorin (pseudonyme d’Oscar Lefèbvre), Eloi Boncher.()
  7. El Bourdon d’Charlèrwè, livret souvenir, 1949-1954()